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Obligation Vaccinale du personnel soignant

Publié le 23 Aout 2021

Obligation Vaccinale du personnel soignant

Alors que ce vendredi le Comité de concertation s'exprime sur la suite du Plan été et sur la réouverture des boîtes de nuit, des questions planent toujours par rapport à l'obligation vaccinale au sein du personnel soignant. Nous apprenons, ce vendredi après-midi, qu'un accord de principe a été trouvé sur ce point avec les autorités.

Au vu des fortes disparités régionales dans la vaccination du personnel soignant et au vu de la forte contagiosité du variant delta, les autorités souhaitent explorer "sous quelles modalités la vaccination obligatoire ourrait être" mise en place. Cette vaccination complète concernerait également les prestataires de soins indépendants, tant dans les établissements de soin que dans le secteur ambulatoire. Elles demandent également une publication des taux de vaccination dans chaque établissement hospitalier et ce, dans les plus brefs délais possibles.

En effet, le 17 août, lors de l’émission "Terzake" (VRT), le ministre fédéral de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) avait annoncé son intention de proposer la vaccination obligatoire pour le personnel soignant et de la santé. Bien sûr, une telle obligation ne se met pas en place du jour au lendemain. Et plusieurs semaines pourraient passer avant qu’elle ne soit mise en pratique.

En attente de cadre juridique 

Ce vendredi, le cabinet du ministre nous explique qu’aucun cadre juridique n’est prévu à ce stade. Il devra donc être créé. Par ailleurs, il confirme une information publiée par nos confrères du Soir : cinq partenaires sociaux ont été sollicités pour avis. Il s’agit du Conseil national du travail, du Conseil supérieur de la santé, du Conseil fédéral des établissements hospitaliers, du Conseil supérieur pour la protection et la prévention au travail et du Comité A (le Comité commun à l’ensemble des services publics). Ces avis seront rendus pendant le mois de septembre et permettront de finaliser la base légale de cette obligation vaccinale qui, on le rappelle, touche à la fois le domaine de la santé et celui du travail. A la mi-septembre, lors du prochain comité de concertation, les ministres du Travail et de la Santé devront faire rapport quant aux avancées du dossier. 

"Idéalement et parfois légalement, on doit prendre en compte ces avis : les partenaires qui sont invités à s’exprimer connaissent les réalités de terrain et leurs remarques permettent d’apporter des modifications au cadre légal envisagé", éclaire Vanessa De Greef, chargée de recherche FNRS au Centre de Droit Public (Faculté de Droit) à l’ULB. Autrement dit, ces avis permettent d'envisager une obligation facile à mettre en œuvre. 

Juridiquement possible

À ce stade, donc, c’est le cadre juridique qui n’est pas encore précisé. Juridiquement, cette obligation vaccinale est tout à fait envisageable. Premier exemple de la légitimité de cette obligation : en avril 2021, la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé qu’une vaccination obligatoire peut être imposée, tout particulièrement si l’immunité de groupe n’est pas atteinte.

"L'essentiel est d’éviter tout problème lié à la légalité de cette obligation", précise Vanessa De Greef. "L’obligation vaccinale nous pose, en effet, face à trois droits fondamentaux : d’une part, le droit à la santé et le droit à la vie. D’autre part, à celui au respect de la vie privée. Historiquement, le droit à l’intégrité physique et à disposer de son corps passe en effet par le droit au respect de la vie privée"

Une obligation qui doit être justifiée

Certes, lorsqu’on parle d’obligation vaccinale pour le personnel soignant, il y a une grande différence par rapport à une obligation imposée à l’ensemble de la population : le droit à la santé et à la vie peuvent être invoqués de manière plus spécifique et plus forte, puisqu’on parle de milieux qui sont directement exposés à la vie et à la santé des patients, détaille encore l’experte. "Ensuite, une fois que l’obligation est décidée, il faut également évaluer si celle-ci est proportionnelle à l’objectif poursuivi : dans le cas du Covid-19, l’ampleur de l’épidémie et sa mortalité permettent de la justifier facilement", explique Vanessa De Greef.

Au sein du système politique belge, il serait possible d’adopter un arrêté royal imposant la vaccination au personnel soignant. Cela correspondrait à modifier le Code de Bien-être au travail. Toutefois, selon la chargée de recherche, "si on adopte un arrêté royal, on ne respecte pas les conditions de restriction du droit au respect de la vie privée (qui comprend l’intégrité physique). Un tel arrêté pourrait donc être annulé devant le Conseil d’Etat. Or, en Belgique, seule une loi peut restreindre un droit fondamental. Elle donnerait alors un cadre juridique solide à cette obligation."

Le cabinet Vandenbroucke ne précise pas, pour l’instant, vers quoi on se dirige

 

Des garanties, des sanctions, les publics ciblés

Dans tous les cas, le cadre légal qui sera adopté doit tenir compte de toute une série de garanties à l'égard des citoyens : en cas de contre-indication au niveau médical, par exemple, on ne peut pas imposer la vaccination.

Aussi, de manière générale, "il faut vérifier les recours possibles et contrôler l’innocuité des vaccins", détaille encore Vanessa De Greef. À cela, ajoutez également le cadre des sanctions prévues, en cas de non-respect d’une loi. Selon l’experte, il est difficile, en l’état actuel, d’évaluer quelles pourraient être les sanctions. De nombreuses variables doivent être prises en compte et discutées.

Parmi les autres aspects à prendre en compte se trouve également le public ciblé : le mot "personnel soignant" est très large. Il sera donc indispensable de prévoir une liste de métiers concernés. A ce stade, le comité de concertation parle d'appliquer l'obligation à l'ensemble des prestataires de soins "y compris les indépendants, tant dans le secteur ambulatoire que dans les établissements de soin". 

Reste finalement la question de la durée. Va-t-on se diriger vers une obligation définitive ou temporaire, notamment en suivant l’évolution de la vaccination ? Nul ne le sait à ce stade. Selon l’experte, d'un point de vue technique, plusieurs formules pourraient être prévues.

Par exemple, si l’obligation était établie par une loi, celle-ci pourrait prévoir une évaluation périodique pour établir si l’obligation se justifie toujours. Ou encore, la loi pourrait indiquer une espèce de "date limite" à sa validité. Cela dit, note la chercheuse, "on observe que même lorsque l’immunité de groupe est atteinte, une obligation vaccinale peut subsister. Cela prouve qu’on peut en soi maintenir l’obligation même lorsque la couverture vaccinale est bonne".

Extrait de la CP du comité de concertation :

La vaccination obligatoire pour certaines professions n’est pas une nouveauté…

Bien que cette obligation légale doive être bien balisée, il faut savoir qu'en Belgique, le seul vaccin obligatoire pour la population est celui de la poliomyélite et ce, depuis 1966. Quant aux vaccinations obligatoires pour certains métiers, elles concernent trois maladies: l’hépatite B, la tuberculose et le tétanos. Elles sont prévues dans le code du bien-être au travail.

Celle contre l’hépatite B a été rendue obligatoire en 1999 par arrêté royal et s’applique à toutes les travailleuses et à tous les travailleurs des services où l’on effectue des soins médicaux, de dentisterie ou des examens. Le personnel des laboratoires est concerné, tout comme les médecins, infirmiers, mais pas que. Sur "Vaccination-info.be", on lit que par exemple, le personnel chargé de l’embaumement des défunts au sein des entreprises de pompes funèbres doit recevoir ce vaccin. Aussi, à titre d’exemple, le personnel des abattoirs doit être vacciné contre le tétanos et recevoir les rappels.

À part ces trois-là, d’autres vaccins sont recommandés : la liste est détaillée sur le site "Vaccination-info.be".

Finalement, quel timing ?

Vous l’aurez compris : impossible de déterminer dans quel délai pourrait être actée l’obligation vaccinale pour les soignants. Ce qui est sûr, c’est que rien ne bougera avant que les avis soient rendus en septembre. De son côté, le cabinet Vandenbroucke avance sur la création de la base juridique avec des experts.

Ensuite, à partir du mois de septembre, c’est le processus législatif qui doit faire son cours. Si le gouvernement devait opter pour un avant-projet de loi - éventuellement agrémenté des cinq avis -, le Conseil d’Etat devra obligatoirement l’examiner. Chaque projet ou proposition de loi en Belgique est ensuite discuté en commission (et approuvée ou rejetée), puis en séance plénière au Parlement, et, le cas échéant, approuvée ou pas par des amendements.

Source : rtbf.be